Fragments ~ Pierre Bottero
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Fragments ~ Pierre Bottero
Ce qu'on appelle les Fragments, ce sont de courts textes que Pierre écrivait et postait sur le forum des Mondes Imaginaires (de Rageot), au gré des saisons. De vrais trésors à mes yeux...
Il y en a plus que ces deux là mais ils ont disparu en même temps que le forum, c'est pourquoi je me suis mise en quête pour les retrouver =) Le dernier message de Pauline sur son blog m'y a fait penser car j'y ai retrouvé une certaine ambiance, une certaine douceur (voire mélancolie) dans les mots...
Bref, je vous laisse savourer
Fragments d’été. 1
Le vent s’est levé sur l’île des Nirmudes.
Le douzième vent.
Le vent d’été.
Il souffle sans discontinuer, chaud et doux, offrant à ceux qui ne doutent pas le parfum des adélantes en fleurs et celui, plus suave encore, des rêves éclos.
Hier soir, assis à l’extrémité d’un promontoire rocheux qui tutoie l’océan, j’ai aperçu le souffle de la Dame. Juste avant qu’elle plonge vers les étoiles. Une partie de mon âme l’a suivie et tourbillonne en ce moment entre les ailes du Héros. Je ne suis pas inquiet. Mon âme est plus en sécurité avec la Dame et son Héros que livrée aux tensions et morsures du quotidien.
Longue conversation avec un chuchoteur découvert dans le placard en cyprès dans lequel je range mes vieux pulls. Il m’a dit sa crainte que les hommes soient définitivement fous et son bonheur d’être bientôt père. Je l’ai félicité de mon mieux pour la future naissance mais je ne suis pas parvenu à le rassurer sur l’état de santé mentale des hommes. Nous avons grignoté quelques galettes de niam, bu une tasse de kla et il est reparti.
Un matin, en rentrant d’une longue promenade dans la forêt de rougeoyeurs qui s’étend derrière la cabane, j’ai eu la surprise de constater que mon stylo s’était transformé en branche. Il écrit toujours. En vert et non plus en bleu mais cela ne me contrarie pas. Au contraire.
Traces du passage d’un Troll, près de la cascade. Un gros mâle si j’en crois la profondeur des empreintes qu’il a laissées dans le sable. J’ai déposé à son attention un recueil de poésie sur une pierre plate ainsi qu’un coquillage argenté. Il faudra que je me procure de la liqueur de framboise pour le jour où il se décidera à pousser ma porte.
« Les Âmes croisées » est le titre du roman, désormais achevé, posé sur mon bureau. J’aurais dû demander au chuchoteur de l’apporter à Caroline mais je n’y ai pas pensé. Je me console en me disant qu’il était de toute façon trop lourd et que le chuchoteur avait bien mieux à faire qu’à se risquer dans Paris. Je le confierai demain à une passeuse de rêve. L’une d’entre elles vit derrière une souche près du ruisseau. Je suis certain qu’elle sera ravie de m’aider.
Mouki dort sur l’appui de la fenêtre, les arbres chantonnent tout bas, une fée s’est posée près de la source.
Je vais me remettre à écrire.
Pierre
Fragment d’automne. (28 septembre 2009)
La lumière a changé. Implacable de certitude il y a peu encore, elle s’enroule désormais aux arbres de la forêt, douce et calme, se glisse en longs rais apaisants à travers les frondaisons, se teinte d’or et de cuivre, comme pour faire oublier ces inexorables minutes que, chaque jour, elle abandonne derrière elle.
Hier, en arrivant au bassin rocheux sous la cascade, je l’ai trouvé plongé dans l’ombre. Le soleil a renoncé à chauffer son eau et les Pixies qui y jouent d’ordinaire ne se sont pas montrés. Demain, je retenterai ma chance. Je voudrais les saluer avant qu’ils s’endorment.
Pour la première fois depuis que nous avons pris l’habitude de passer des soirées à deviser et à nous taire, j’ai allumé un feu dans la cheminée pour accueillir mon ami le Troll. Nous avons troqué notre liqueur de framboise contre une eau de vie plus percutante qu’il tient d’un lointain cousin et nous avons peu parlé. Je crois que nous nous comprenons, lui et moi.
La nuit, par la fenêtre ouverte, j’entends la respiration du rougeoyeur qui pousse au-dessus du ruisseau. Ample, profonde, si forte. Il se prépare, lui aussi. À ce changement que la mémoire des siens fait chanter dans ses veines. À l’incendie magique qu’il offrira bientôt à ses feuilles puis au sommeil qui l’emportera quand, ivres de couleur, elles le quitteront. Il n’a pas peur, il sait la permanence des choses essentielles.
La fée de la source est devenue rousse. Je l’ai aperçue, assise sur un champignon, en train de grignoter un des rêves qu’elle m’a dérobés cet été. Elle n’a pas dû le trouver assez sucré ou alors elle n’avait pas vraiment faim, elle l’a laissé redevenir poussière d’espoir et s’envoler.
La lumière a changé. Implacable de certitude il y a peu encore, elle s’enroule désormais aux arbres de la forêt, douce et calme, se glisse en longs rais apaisants à travers les frondaisons, se teinte d’or et de cuivre comme pour faire oublier ces inexorables minutes que, chaque jour, elle abandonne derrière elle.
J’attends que la première feuille tombe pour me remettre à écrire.
Il y en a plus que ces deux là mais ils ont disparu en même temps que le forum, c'est pourquoi je me suis mise en quête pour les retrouver =) Le dernier message de Pauline sur son blog m'y a fait penser car j'y ai retrouvé une certaine ambiance, une certaine douceur (voire mélancolie) dans les mots...
Bref, je vous laisse savourer
Fragments d’été. 1
Le vent s’est levé sur l’île des Nirmudes.
Le douzième vent.
Le vent d’été.
Il souffle sans discontinuer, chaud et doux, offrant à ceux qui ne doutent pas le parfum des adélantes en fleurs et celui, plus suave encore, des rêves éclos.
Hier soir, assis à l’extrémité d’un promontoire rocheux qui tutoie l’océan, j’ai aperçu le souffle de la Dame. Juste avant qu’elle plonge vers les étoiles. Une partie de mon âme l’a suivie et tourbillonne en ce moment entre les ailes du Héros. Je ne suis pas inquiet. Mon âme est plus en sécurité avec la Dame et son Héros que livrée aux tensions et morsures du quotidien.
Longue conversation avec un chuchoteur découvert dans le placard en cyprès dans lequel je range mes vieux pulls. Il m’a dit sa crainte que les hommes soient définitivement fous et son bonheur d’être bientôt père. Je l’ai félicité de mon mieux pour la future naissance mais je ne suis pas parvenu à le rassurer sur l’état de santé mentale des hommes. Nous avons grignoté quelques galettes de niam, bu une tasse de kla et il est reparti.
Un matin, en rentrant d’une longue promenade dans la forêt de rougeoyeurs qui s’étend derrière la cabane, j’ai eu la surprise de constater que mon stylo s’était transformé en branche. Il écrit toujours. En vert et non plus en bleu mais cela ne me contrarie pas. Au contraire.
Traces du passage d’un Troll, près de la cascade. Un gros mâle si j’en crois la profondeur des empreintes qu’il a laissées dans le sable. J’ai déposé à son attention un recueil de poésie sur une pierre plate ainsi qu’un coquillage argenté. Il faudra que je me procure de la liqueur de framboise pour le jour où il se décidera à pousser ma porte.
« Les Âmes croisées » est le titre du roman, désormais achevé, posé sur mon bureau. J’aurais dû demander au chuchoteur de l’apporter à Caroline mais je n’y ai pas pensé. Je me console en me disant qu’il était de toute façon trop lourd et que le chuchoteur avait bien mieux à faire qu’à se risquer dans Paris. Je le confierai demain à une passeuse de rêve. L’une d’entre elles vit derrière une souche près du ruisseau. Je suis certain qu’elle sera ravie de m’aider.
Mouki dort sur l’appui de la fenêtre, les arbres chantonnent tout bas, une fée s’est posée près de la source.
Je vais me remettre à écrire.
Pierre
Fragment d’automne. (28 septembre 2009)
La lumière a changé. Implacable de certitude il y a peu encore, elle s’enroule désormais aux arbres de la forêt, douce et calme, se glisse en longs rais apaisants à travers les frondaisons, se teinte d’or et de cuivre, comme pour faire oublier ces inexorables minutes que, chaque jour, elle abandonne derrière elle.
Hier, en arrivant au bassin rocheux sous la cascade, je l’ai trouvé plongé dans l’ombre. Le soleil a renoncé à chauffer son eau et les Pixies qui y jouent d’ordinaire ne se sont pas montrés. Demain, je retenterai ma chance. Je voudrais les saluer avant qu’ils s’endorment.
Pour la première fois depuis que nous avons pris l’habitude de passer des soirées à deviser et à nous taire, j’ai allumé un feu dans la cheminée pour accueillir mon ami le Troll. Nous avons troqué notre liqueur de framboise contre une eau de vie plus percutante qu’il tient d’un lointain cousin et nous avons peu parlé. Je crois que nous nous comprenons, lui et moi.
La nuit, par la fenêtre ouverte, j’entends la respiration du rougeoyeur qui pousse au-dessus du ruisseau. Ample, profonde, si forte. Il se prépare, lui aussi. À ce changement que la mémoire des siens fait chanter dans ses veines. À l’incendie magique qu’il offrira bientôt à ses feuilles puis au sommeil qui l’emportera quand, ivres de couleur, elles le quitteront. Il n’a pas peur, il sait la permanence des choses essentielles.
La fée de la source est devenue rousse. Je l’ai aperçue, assise sur un champignon, en train de grignoter un des rêves qu’elle m’a dérobés cet été. Elle n’a pas dû le trouver assez sucré ou alors elle n’avait pas vraiment faim, elle l’a laissé redevenir poussière d’espoir et s’envoler.
La lumière a changé. Implacable de certitude il y a peu encore, elle s’enroule désormais aux arbres de la forêt, douce et calme, se glisse en longs rais apaisants à travers les frondaisons, se teinte d’or et de cuivre comme pour faire oublier ces inexorables minutes que, chaque jour, elle abandonne derrière elle.
J’attends que la première feuille tombe pour me remettre à écrire.
Dernière édition par Ipiu le Ven 10 Oct 2014 - 17:06, édité 1 fois
Ipiu- Admin
- Messages : 1552
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Localisation : Gwendalavir
Re: Fragments ~ Pierre Bottero
Il y a en fait un gros doute sur l'auteur de ce fragment-ci, qui serait Invis et non Pierre, donc je le mets plutôt en commentaire.
J'avoue que je me suis laissée tromper, il est magnifiquement écrit !
Fragment de printemps. 3.
La lumière a changé. Incertaine et fuyante il y a peu encore, elle s’impose désormais sur les coupoles et les tourelles flamboyantes, s’écoule sous les ponts en larges flots scintillants et chatoient dans l’ombrage tout juste éclos des grands arbres, comme pour se faire pardonner ces inexorables minutes que, chaque jour, elle vole à la nuit.
Longue expédition sur les sommets de la chaîne du Poll, pour présenter mes adieux à la neige. J’y ai invoqué les secours de la brume pour éviter les brûlures du soleil printanier. Stupéfaction en découvrant, à mon retour, comme le printemps s’était étalé, tout en verdure, sur les champs de niam et les forêts de rougeoyeurs. Un arbrisseau s’est déployé sur le tapis de mousse où j’avais l’habitude de méditer. J’ai tenté de lui dissimuler ma déception. Ses branches sont tortueuses, mais je ne doute pas qu’il deviendra un arbre robuste et généreux.
Le Trodd du marais voisin ne devrait plus tarder à s’éveiller. Je plonge souvent dans les eaux de son bassin dans l'espoir de le surprendre, mais il est pour l'instant demeuré invisible. Les fées, quant à elles, sont sorties de leur hibernation. Mon ombre a disparu depuis, et je suspecte l’une d’elles de me l’avoir dérobée.
Depuis des mois, un fragment de cristal pousse sous mes fenêtres. Aux échos de soleil qui jouent aujourd’hui sur ces facettes, j’ai compris que sa croissance est achevée.
Quelques mots échangés avec un écureuil. Nous avons bu une tasse de kla et je lui ai offert ma dernière noix. Il m’a confié que ses réserves seraient bientôt épuisées, mais que le vent se levait sur l’île des Nimurdes.
Le douzième vent.
Le vent d’été.
J'avoue que je me suis laissée tromper, il est magnifiquement écrit !
Fragment de printemps. 3.
La lumière a changé. Incertaine et fuyante il y a peu encore, elle s’impose désormais sur les coupoles et les tourelles flamboyantes, s’écoule sous les ponts en larges flots scintillants et chatoient dans l’ombrage tout juste éclos des grands arbres, comme pour se faire pardonner ces inexorables minutes que, chaque jour, elle vole à la nuit.
Longue expédition sur les sommets de la chaîne du Poll, pour présenter mes adieux à la neige. J’y ai invoqué les secours de la brume pour éviter les brûlures du soleil printanier. Stupéfaction en découvrant, à mon retour, comme le printemps s’était étalé, tout en verdure, sur les champs de niam et les forêts de rougeoyeurs. Un arbrisseau s’est déployé sur le tapis de mousse où j’avais l’habitude de méditer. J’ai tenté de lui dissimuler ma déception. Ses branches sont tortueuses, mais je ne doute pas qu’il deviendra un arbre robuste et généreux.
Le Trodd du marais voisin ne devrait plus tarder à s’éveiller. Je plonge souvent dans les eaux de son bassin dans l'espoir de le surprendre, mais il est pour l'instant demeuré invisible. Les fées, quant à elles, sont sorties de leur hibernation. Mon ombre a disparu depuis, et je suspecte l’une d’elles de me l’avoir dérobée.
Depuis des mois, un fragment de cristal pousse sous mes fenêtres. Aux échos de soleil qui jouent aujourd’hui sur ces facettes, j’ai compris que sa croissance est achevée.
Quelques mots échangés avec un écureuil. Nous avons bu une tasse de kla et je lui ai offert ma dernière noix. Il m’a confié que ses réserves seraient bientôt épuisées, mais que le vent se levait sur l’île des Nimurdes.
Le douzième vent.
Le vent d’été.
Ipiu- Admin
- Messages : 1552
Date d'inscription : 06/06/2012
Age : 39
Localisation : Gwendalavir
Re: Fragments ~ Pierre Bottero
Mon Dieu.
Voilà. Je l'ai eu sous les yeux : c'est ça que je rêvais d'écrire.
C'est un joli cadeau.
Voilà. Je l'ai eu sous les yeux : c'est ça que je rêvais d'écrire.
C'est un joli cadeau.
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